Traitement prolongé par inhibiteurs de la pompe à protons et augmentation du risque de diabète de type 2
Société Savante des Maladies et Cancers de l'Appareil Digestif

Domaine concerné
Prévention

Degré d'innovation
Moyen

Avancement
Validé

Impact patient

Impact soin
Moyen

Intérêt

Arrivée dans la pratique
Confirmation

Rédacteur
Professeur Pascal CRENN

Enthousiasme

À la une 30/09/2022

Traitement prolongé par inhibiteurs de la pompe à protons et augmentation du risque de diabète de type 2

Du fait de leur grande efficacité clinique les IPP sont le traitement de choix, en première intention, souvent sans examen endoscopique dans la pratique de médecine générale, de multiples pathologies potentielles. Le génériquage et une dispensation possible sans ordonnance médicale explique par ailleurs leur très forte utilisation, souvent de façon prolongée.


Aucune étude randomisée n’a évalué le possible lien entre IPP et diabète et les études observationnelles ont montrées des résultats hétérogènes. De ce fait les méta-analyses ne concluent pas positivement (Peng et al, J Clin Endocrinol Metab 2021). 


Cette étude, italienne, a donc été conçue pour analyser plus finement la relation entre l’utilisation d’IPP et le risque de survenue de diabète. Il s’agit d’une étude cas-témoin « nichée » au sein d’une cohorte de 777.420 patients de plus de 40 ans en population générale, nouvellement traités par IPP entre 2010 et 2015. Un total de 50.535 patients diabétiques a été nouvellement diagnostiqué avant 2020. Chaque patient a été associé à un contrôle sélectionné selon l’âge, le sexe et les comorbidités. En comparaison des utilisateurs d’IPP pendant moins de 2 mois, les odd ratios (régression logistique) de survenue de diabète étaient plus élevés de 19 %, 43 % et 56% en cas d’utilisation d’IPP entre 2 et 6 mois, 6 mois et 2 ans et pendant plus de 2 ans respectivement. Ces résultats étaient maintenus après stratification sur l’âge, le sexe et le profil clinique des comorbidités. Les odd ratios étaient plus élevés chez les patients ayant entre 40 et 65 ans et ceux qui présentaient plus de comorbidités. Les analyses de sensibilité ont confirmé la robustesse des associations.


Dans cette étude l’utilisation régulière et prolongée d’IPP était donc associée à un risque majoré, durée d’exposition dépendant, de diabète de type 2.
 

Commentaires
 

Les effets indésirables de la prise au long cours d’IPP, classe thérapeutique disponible sur le marché depuis près de 40 ans, sont maintenant décrits dans la littérature et doivent être connus des hépato-gastroentérologues : hypomagnésémie, augmentation du risque fracturaire, infection digestives (notamment à C. difficile…)… (AGA, Gastroenterology 2017 ; 152 : 706-15). Ceci a fait émerger l’idée de « dé-prescription » de ces traitements (AGA Clinical Practice Update on De-Prescribing of Proton Pump Inhibitors: Expert Review, Gastroenterology, avril 2022).


Des modifications du microbiote intestinal sous IPP sont attendues et, de fait, décrites (Jackson et al, Gut 2016). Dans la mesure où ces changements sont impliqués dans la physiopathologie du syndrome métabolique, des stéatopathies métaboliques et de la résistance à l’action de l’insuline, la question d’une relation entre prise au long cours d’IPP et diabète de type 2 est pertinente. Il n’y a pas ici, même dans un sous-groupe, d’analyse du microbiote. Quelques questions peuvent également se poser : y a-t-il des facteurs prédictifs a la survenue de diabète sous IPP ? Quand est-il de l’effet éventuel sur le poids… ? La physiopathologie reste ainsi encore incertaine (et probablement multiple). Il apparait donc important de faire la part entre ce facteur (« iatrogène » en partie) et les autres liées à la sédentarité, la génétique et l’alimentation ainsi que les interactions entre ces divers facteurs de risque.


Cette étude cas-témoin semble confirmer, en population générale, 3 études prospectives, sur une population plus ciblée (travailleurs) réalisées aux USA où il était objectivé une augmentation du risque de 24%, risque lié de plus à la durée du traitement (Yuan et al, Gut 2021). A noter par ailleurs qu’il s’agit d’Effet classe, donc non lié à une molécule spécifique.

Références
 
Titre :

Traitement prolongé par inhibiteurs de la pompe à protons et augmentation du risque de diabète de type 2

Titre original :

Prolonged Use of Proton Pump Inhibitors and Risk of Type 2 Diabetes: Results From a Large Population-Based Nested Case-Control Study

Auteurs :

Ciardullo S, Rea F, Savaré L, Morabito G, Perseghin G, Corrao G.

Source(s) :

Article

Revue :

Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism

Références biblio. :

2022 Jun 16;107(7):e2671-e2679. doi: 10.1210/clinem/dgac231.

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