La physiopathologie des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) repose sur une réponse inadaptée, dans sa forme et sa temporalité, au microbiote intestinal, chez des sujets prédisposés. Bien que certains pathobiontes aient un rôle spécifique à jouer, il est communément admis qu’un déséquilibre du microbiote intestinal ou dysbiose joue un rôle prépondérant dans la physiopathologie des MICI. De façon à influer sur le cours évolutif des MICI, de nombreuses études ont étudiés l’efficacité de la transplantation de microbiote fécal (TMF) que ce soit au cours de la maladie de Crohn et de la rectocolite hémorragique (RCH). Une méta-analyse récente a confirmé l’efficacité de la TMF pour ces deux entités cliniques.
L’origine de la dysbiose microbienne associée aux MICI est toujours débattue mais il est possible qu’elle soit un vecteur aux facteurs environnementaux qui influent sur la genèse des MICI. Parmi ces facteurs environnementaux, le rôle de l’alimentation a souvent été évoqué. Récemment, une équipe Israélienne a mis au point un régime d’exclusion spécifique pour le traitement de la maladie de Crohn pédiatrique (Crohn’s Disease Exclusion Diet ou CDED). Ce régime a démontré son efficacité en association à une nutrition entérale d’appoint par rapport à un régime standard. Plusieurs études sont actuellement en cours de recrutement pour évaluer ce type de stratégie chez des patients adultes.
L’essai FMT-AID a été conçu pour répondre à cette double interrogation. Il s’agissait d’une étude ouverte, monocentrique et randomisée (1:1), dont le but était de comparer l’efficacité d’un traitement par TMF associé à une diète anti-inflammatoire à une optimisation du traitement par 5-ASA au cours de la RCH. Les patients adultes, atteints de RCH, active (Ulcerative Colitis Endosopic Index of Severity ou UCEIS >1), légère à modérée (Simple Clinical Colitis Activity Index ou SCCAI entre 3 et 9), pouvaient être inclus. Les patients dans le groupe optimisation du traitement par 5-ASA recevait une augmentation de la posologie des 5-ASA oraux et un ajout de 5-ASA topiques (ou un switch par corticoïdes topiques en cas de traitement par 5-ASA topiques à l’inclusion). Les patients dans le groupe FMT-AID recevait une TMF hebdomadaire pendant 7 semaines consécutives, administrée par coloscopie (colon ascendant lors de la première session et colon gauche pour les 6 autres). Les transplants étaient frais et issus de donneurs multiples (2 à 5). La diète anti-inflammatoire (régime AID) reposait sur l’éviction ou l’enrichissement de différents aliments selon leur action potentielle sur le microbiote intestinal, la perméabilité intestinal et le recrutement de lymphocytes T effecteurs ou régulateurs, à partir de données précliniques. En pratique, cela consistait en une éviction du gluten, des produits laitiers (à l’exception du lait caillé), de la viande rouge et de la charcuterie, des produits ultratransformés, des additifs alimentaires et des sucres raffinés au profit des fruits et légumes frais, des aliments fermentés, riches en ligand des AhR (aryl hydrocarbon receptor) et des polyphénols. Les patients randomisés dans le groupe FMT-AID recevait une éducation spécifique au bon suivi du régime ainsi qu’une documentation pratique. Une évaluation téléphonique était réalisée toutes les 2 semaines pour évaluer le suivi du régime AID. Les critères de jugement principaux étaient pour la phase d’induction (8 semaines) la réponse clinique (diminution du SCCCAI d’au moins 3 points et la rémission profonde (SCCAI ≤2 et UCEIS ≤1) et pour la phase d’entretien (48 semaines), la rémission clinique sans corticoïdes et la rémission profonde. Les patients sous 5-ASA pouvaient poursuivre leur traitement alors que les patients sous corticoïdes à l’inclusion devaient diminuer la posologie de corticoïdes de 5 mg toutes les deux semaines, jusqu’à l’arrêt complet.
Au total, 43 patients ont été randomisés dans le groupe traitement intensif et 30 dans le groupe optimisation du traitement par 5-ASA. Les deux groupes étaient globalement comparables. L’adhérence au régime AID était jugée comme forte chez 84,6 % des patients après 8 semaines de suivi et chez 66,7 % après 48 semaines de suivi. Après 8 semaines de traitement, une réponse clinique était observée chez 65,7 % des patients du groupe FMT-AID et 35,5 % du groupe contrôle (p=0,01) et une réponse profonde chez 36,4 % et 8,7 % (p=0,03). Après 48 semaines de traitement, une rémission clinique prolongée sans corticoïdes était observée chez 50% des patients du groupe FMT-AID et 32,3 % du groupe contrôle (p=0,16) et une rémission profonde chez 25 % et 0 % (p=0,007). Il n'existait aucune différence de tolérance entre les deux groupes ; la totalité des évènements indésirables étant de grade 1 ou 2 (classification CTCAE «Common Terminology Criteria for Adverse Events » ). Une étude du microbiote fécal a été réalisée par séquençage du gène de l’ARNr 16S. Les patients présentant une réponse clinique présentaient une diversité-β supérieure aux non répondeurs. De même, les patients répondeurs présentaient une augmentation significative de l’abondance d’espèces bactériennes jugées bénéfiques alors que les non répondeurs avaient une augmentation significative de certains pathobiontes. Aucune donnée n’était donnée pour comparer les patients suivant ou non le régime AID.