En France, l’incidence du carcinome hépato-cellulaire (CHC) est élevée avec 9 000 cas par an dont 90 % sur cirrhose (liée à l’alcool dans 60 % des cas).
Or, chez les patients ayant une cirrhose liée à l’alcool, son incidence et donc l’intérêt médico-économique de son dépistage sont controversés.
Le but de cette étude était d’évaluer l’incidence du CHC chez des patients ayant une cirrhose liée à l’alcool de la cohorte Cirral.
Cette cohorte franco-belge multicentrique a inclus 652 patients entre 2010 et 2016. Ces patients avaient une cirrhose alcoolique (plus de 3 verres par jour pour les femmes, 4 pour les hommes) prouvée histologiquement et avaient un score de Child-Pugh A à l’inclusion. Ces patients étaient des hommes dans 2/3 des cas, d’âge moyen 58 ans. Ces patients n’avaient pas d’infection virale, en revanche 21 % avaient un syndrome métabolique. La majorité des patients était abstinent (67%) et 17 % avaient une consommation inferieure à 1 verre par jour.
Après un suivi médian de 29 mois, 153 patients avaient été perdus de vue, 43 avaient développé un CHC, 14 patients étaient décédés. Bien que 33 CHC diagnostiqués (77 %) remplissaient les critères de Milan, seuls 24 patients (56%) bénéficiaient d’un traitement curatif. Ce constat est en concordance avec ce qui avait été observé dans la cohorte CHANGH, possiblement en raison des comorbidités fréquemment associés. L’incidence annuelle du CHC était de 2,9 % par an donc au-delà du seuil de 1,5 % recommandé pour mettre en place un dépistage. Parmi les 73 décès enregistrés à 29 mois, 27 étaient directement attribuables à la maladie hépatique dont 8 liés au CHC.
A 2 ans, la survie globale était de 93%. La survie sans évènement (ascite, ictère, encéphalopathie, hémorragie digestive) était de 80 % et l’incidence de la mortalité cumulée liée à la maladie hépatique de 3,2 %. Ces bons résultats s’expliquent probablement par le fait que ces patients étaient suivis dans le cadre d’une cohorte et régulièrement rappelés pour les examens. Le délai médian de 6,2 mois entre les échographie de dépistage était en accord avec les recommandations. D’autre part un grand nombre de patients (85 %) étaient abstinents ou avec consommation faible à l‘inclusion.
L‘incidence du CHC dans la population des patients avec une cirrhose liée à l’alcool semble donc compléter les critères pour début un dépistage. Avec un taux de traitement curatif de 56 % et un faible recours aux traitements percutanés, les patients avec CHC liés à l’alcool ne bénéficient pas encore d’une prise en charge optimale par rapport aux patients avec CHC d’une autre cause.