Consommation « excessive » d’alcool

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Consommation « excessive » d’alcool

« Maximum 2 verres par jour, et pas tous les jours ». Si ce seuil est dépassé, cela devient risqué pour la santé, selon les nouveaux repères de consommation de 2017.

Les nouveaux repères alcool

Les nouvelles recommandations françaises (2017), au slogan popularisé en 2019 « Maximum deux verres par jour, et pas tous les jours », incitent à de ne pas dépasser dix verres standard par semaine (moins de 100 g d’alcool pur), pour les hommes comme pour les femmes, avec des jours sans consommation.

Qu’est-ce qu’un "verre standard" ?

Un verre standard contient 10 g d’alcool pur (unité standard), tel que servi dans un café ou un restaurant. En fonction du degré d’alcool contenu dans la boisson, le volume servi sera différent : 10 cl d’un verre de vin à 12°, 25 cl de bière (un demi) ou de cidre (une bolée) à 4,5°, 2,5 cl d’un alcool « fort »… Il faut distinguer ces verres standard des verres « maison » qui contiennent généralement plus d’alcool. Pour mémoire, une bouteille de vin contient 6 à 7 unités d’alcool, une bouteille de 70 cl de whisky en contient environ 22… attention également aux bières en cannettes (50 cl) à 8° contenant environ 3 unités chacune.

Ces repères du Ministère des solidarités et de la santé et Santé publique France ont été revus à la baisse par rapport à des recommandations de l’OMS, plus anciennes, pour éviter le risque de cancers liés à l’alcool qui apparaît dès de faibles doses consommées, ainsi que les maladies du foie et les maladies cardio-vasculaires. Mais les complications dépassent largement le champ médical et peuvent être psychologiques et/ou sociales. Une consommation excessive d’alcool est une consommation présentant des risques pour la santé ou déjà source de problèmes (familiaux, professionnels, judiciaires...). 

A ces consignes s’ajoute celle de ne pas dépasser quatre verres par occasion, pour éviter les complications des ivresses aiguës (violence active ou subie, accidents de la voie publique, suicides...).

Près d’un quart des 18-75 ans dépassent ces repères (2017), en majorité des hommes. Les profils sont très différents avec une population jeune qui ne boit pas régulièrement mais qui boit beaucoup ponctuellement et une population plus âgée qui boit moins mais tous les jours.

Les Français, les huitièmes plus gros buveurs au monde

Malgré une diminution importante et régulière du volume d’alcool consommé depuis 50 ans, la consommation en France se stabilise à un niveau qui reste élevé (11,7 litres par habitant de plus de 15 ans) et l’impact sanitaire et social de l’alcool reste considérable.

En 2017, 86,6 % des personnes âgées de 18 à 75 ans ont consommé de l’alcool au moins une fois dans l’année, une personne sur cinq déclare avoir connu une ivresse dans l’année, 10 % sont des consommateurs quotidiens, 5 % consomment six verres ou plus en une même occasion chaque semaine. Enfin, 35 % des 18-75 ans consomment 91% du volume total d’alcool.

Quant aux alcoolisations ponctuelles importantes (API), l’apanage des jeunes, plus de quatre Français âgés de 17 ans sur dix reconnaissent avoir consommé au moins 5 verres en une seule occasion (enquête ESCAPAD 2017). Par ailleurs 19 % des 18-24 ans ont des ivresses régulières (10 ou plus dans l’année écoulée). Un constat inquiétant expliqué par la délivrance peu contrôlée de l’alcool aux moins de 18 ans : 32 % des jeunes de 17 ans s’en sont procuré sans problème particulier dans le mois précédent et 77 % en ont consommé dans un bar.

Quels sont les risques ?

Des risques d'hémorragie cérébrale, de cancer et d'hypertension artérielle

L’alcool est une cause majeure de mortalité évitable et produit un impact sur la santé, même à faibles doses. Les études les plus récentes, ne rapportent globalement pas de bénéfices à consommer de faibles quantités d’alcool et révèlent qu’au-delà de 10 verres d’alcool par semaine (100 g d’éthanol pur) la mortalité attribuable à l’alcool devient significative et croît ensuite de manière exponentielle.

L’alcool est à l’origine de 41 000 décès par an (données 2015), ce qui en fait le deuxième facteur de mortalité précoce évitable en France après le tabac. Parmi ces décès, 16 000 sont dus à des cancers et presque 10 000 à des maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, hypertension artérielle et troubles du rythme cardiaque).

On connait bien le risque de cirrhose et de cancer du foie liée à la consommation excessive d’alcool, d’accidents de la route, mais moins ceux d'hémorragie cérébrale et d'hypertension artérielle et même de cancer du sein qui est légèrement augmenté à partir de 1 verre par jour. Selon le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), pour chaque boisson alcoolique consommée quotidiennement, le risque de cancer du sein augmente de 7 %.

10 % des décès par cancer sont dus à l’alcool (58,2 % des cancers du foie, 67,4 % des cancers de l’œsophage, 71,5 % des cancers du pharynx, 65 % des cancers de la bouche). L’alcool augmente aussi le risque de cancers du côlon et du rectum. 29 % des décès par maladies digestives (6 700 par an) sont imputables à l’alcool essentiellement par cirrhose (mais aussi gastrites alcooliques et pancréatites).

Enfin, bien que l’alcool désinhibe, il peut perturber l’érection chez l’homme et diminuer le plaisir chez la femme.

On dénombre de plus chaque année plus de 3 000 morts par encéphalopathie, maladies mentales, épilepsie… Les lésions nerveuses (neuropathies) périphériques, liées à la toxicité directe de l’alcool sur les nerfs, sont des complications souvent oubliées. Comme dans le diabète, elles entraînent des douleurs à type de décharges électriques, de fourmillements dans les pieds et les chevilles ou encore l’impression de marcher sur du coton. Les patients sont habitués à vivre avec et omettent d’en parler au médecin.

L’alcool est aussi toxique sur le cerveau (toxicité dite « centrale »), parfois en rapport avec une carence en vitamine B1, fréquente chez les personnes ayant une consommation excessive d’alcool. Il existe un large spectre de troubles neurologiques liés à l’alcool, réversibles dans 80 % des cas à l’arrêt de l’alcool : troubles de la mémoire à court et à long terme, de la concentration, du jugement avec une mauvaise évaluation de la gravité de la situation. Ceci peut expliquer la dissociation entre le ressenti de la personne alcoolo-dépendante et celui de l’entourage familial et médical,

Une consommation excessive d’alcool est aussi souvent associée à des troubles psychiques (anxiété et dépression notamment), soit causes soit conséquences de l’alcoolisation (la majorité des signes de dépression disparait après 2 semaines d’abstinence).

Les autres conséquences de la consommation excessive d’alcool sont variées. Elle est responsable de 1 500 morts sur la route chaque année, mais également de 40 % des violences familiales et/ou conjugales qui touchent 400 000 personnes. Chez les femmes, la moitié des violences conjugales subies sont en rapport avec l’alcool. Ce dernier est aussi la cause de 25 % des faits de maltraitance à enfants, de 30 % des viols ou agressions sexuelles (50 000 personnes/an) et 30 % des faits de violences générales (20 000 personnes/an).

Au global, le coût social de l’alcool est estimé à 120 milliards par an.

Qui présente un risque ?

Les femmes, plus fragiles vis-à-vis de l’alcool

Environ 9,7 % des adultes déclarent avoir bu plus de 10 verres au cours des 7 derniers jours. De nombreux travaux indiquent que ces modes de consommations divers correspondent également à des vulnérabilités multiples (sociales, psychologiques).

Les repères de 10 verres par semaine et de 2 verres par jour (et pas tous les jours) valent sans distinction pour les hommes et les femmes, ce qui ne doit pas occulter la plus grande fragilité des femmes vis-à-vis de l’alcool. Par exemple, le risque de cirrhose est supérieur chez les femmes.

Un outil pour évaluer sa consommation d'alcool est disponible à ce lien : https://alcoometre.fr/

L’alcool, toxique sur le système nerveux du fœtus

Pendant la grossesse, c’est « zéro alcool ». En effet, en cas d’ingestion d’alcool pendant la grossesse, le taux d’alcoolémie du fœtus est égal à celui de la mère mais persiste bien plus longtemps que chez elle car son foie n’est pas mature et ne peut pas détoxifier l’alcool, ses organes en développement sont donc exposés plus longtemps aux effets délétères de l’alcool. Les anomalies du syndrome d’alcoolisation fœtale sont directement liées à la toxicité de l’alcool sur le système nerveux de l’enfant. Multiples, les conséquences de l’alcoolisation fœtale s’égrènent selon un continuum allant de troubles du comportement jusqu’à la forme caractéristique et sévère du « syndrome d’alcoolisation fœtale » (1 000 naissances en France en 2016). Plus largement, l’ensemble des « troubles causés par l’alcoolisation fœtale » touche 1 % des naissances vivantes par an, soit environ 7 000 cas en 2016.

La liste des complications du syndrome d’alcoolisation fœtale est longue, au rang desquelles un retard de croissance, une croissance anormalement faible de la boîte crânienne et du cerveau (microcéphalie), des anomalies de la morphologie du visage et des troubles du développement neurologique pouvant aller de simples troubles de l’attention ou de la mémoire, de difficultés d’acquisition du langage, du calcul), de difficultés d’insertion sociale jusqu’au retard mental.

En 2017, 88 % des femmes n’ont pas consommé d’alcool pendant la grossesse, contre 79,6 en 2011 (étude Elfe).

Les traitements

L’alcoolisation chroniqueune prise en charge médico-psycho-sociales

La dépendance survient rarement avant l’âge de 25-30 ans. Il s’agit alors plutôt d’un mésusage, souvent lié à des facteurs psycho-sociaux et qui s’intègre généralement dans un malaise général, d’où la création de consultations dédiées aux « jeunes consommateurs » qui sont plus adaptés aux jeunes adultes.

Si la personne n’est pas à l’aise pour faire part de son problème avec l’alcool à son médecin traitant, les consultations d’addictologie sont accessibles dès l’âge de 25 ans.

En général, la plupart des patients qui consultent dans ces centres ont la quarantaine ou plus, plus rarement avant, principalement parce que la dépendance n’est pas parfaitement installée et les dommages (familiaux,  professionnels, judiciaires ou physiques) sont encore limités. Les conséquences physiques (maladies cardio-vasculaires, maladie du foie…) ou leur visibilité, la prise de conscience de la dépendance, le cumul des problèmes divers engendrés par la consommation à risque arrivent passé 45 ans environ.

La prise en charge est pluridisciplinaire, car les conséquences de l’alcoolisation chronique sont multifactorielles (médico-psycho-sociales).  Cela signifie que le patient va recevoir de l’aide pour les différentes difficultés liées à sa consommation d’alcool : médecin, psychologue, travailleur social… une aide non négligeable peut être apportée par les groupes de soutien « d’anciens buveurs » qui peuvent partager concrètement leur expérience.

La première consultation est habituellement réalisée par un addictologue, médecin ou psychologue afin de faire le point sur la consommation et ses complications. Au fur et à mesure des consultations, il saura distinguer une dépendance d’une consommation excessive et aider le patient à trouver des clés pour s’en sortir.

Si la consommation est excessive, quelques consultations sont habituellement suffisantes pour délivrer des conseils (réduire sa consommation journalière, ne pas consommer en semaine et limiter sa consommation le week-end, consommer des alcools moins forts, tenir un agenda de consommation…) ou des médicaments anti-craving (comme le nalméfène ou le baclofène…). La personne parvient ainsi à réduire la consommation en dessous d’un seuil acceptable et sans danger.

En cas de dépendance, le soutien de l’addictologue est renforcé, à l’aide d’un psychologue, d’un travailleur social, etc. Des sevrages courts sont proposés, à l’occasion de séjours hospitaliers brefs (5 à 10 jours) ou prolongés en Soins de Suite et de Réadaptation en Addictologie, pour les personnes seules ou sans travail, celles qui doivent s’isoler un certain temps de leur situation socio-professionnelles. La prise en charge sera toujours suivie d’une prise en charge prolongée ambulatoire (hôpital de jour, consultations). En revanche, pour les personnes bien insérées et qui ne peuvent interrompre leurs activités très longtemps, les médecins addictologues peuvent prescrire une aide médicamenteuse, toujours associée à une prise en charge psychologique ; le médicament seul n’étant pas en capacité de régler le problème d’une dépendance à l’alcool.

Le sevrage de l’alcool peut être obtenu sans médicament (en l’absence de dépendance physique) ou grâce aux benzodiazépines (psychotropes anxiolytiques) prescrites sur une courte durée lorsqu’il y existe une dépendance avec beaucoup d’anxiété, d’irritabilité, et d’insomnie et en cas de dépendance physique…). Les médicaments d’aide au maintien de l’abstinence prennent ensuite le relais.

L’acamprosate (antagonistes du glutamate) est un médicament déjà ancien utilisé pour le traitement de la dépendance à l'alcool. La natrexone est un inhibiteur des opiacés. Ces deux molécules ont  une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans « l’aide au maintien de l’abstinence ». Les deux n’ont pas ou peu d’intérêt chez une personne qui continue à consommer de l’alcool. Le disulfirame est aussi disponible mais peu utilisé : c’est un médicament avec un effet dit « antabuse » qui rend malade en cas de prise d’alcool. Il a surtout un effet dissuasif. D’autres médicaments permettent une réduction de la consommation. C’est le cas du  nalméfène (antagoniste des récepteurs opioïdes) qui diminue le bien être et le mal-être liés à la consommation et au manque d’alcool. Le baclofène peut également être utilisé dans la réduction de la consommation et le maintien de l’abstinence sous certaines conditions en attendant son AMM. Il peut être délivré dans le cadre d’une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Leur AMM attendue pour fin 2019.

Les résultats avec les médicaments anti-craving sont contrastés. Ils sont considérés comme une aide, mais qui peut s’avérer très importante chez certains patients.

Les thérapies cognitivo-comportementales et les entretiens motivationnels ont démontré une efficacité significative.

Copyright : © SNFGE, Société Nationale Française de Gastro-Entérologie
Expert / Relecteur : Dr C. Barrault / Pr F. Zerbib
Rédaction : H. Joubert - Dessins : O. Juanati
Avril 2019