Addiction à l'alcool
Où commence l’addiction à l’alcool ?
L’addiction est la perte de contrôle de la consommation. La dépendance à l’alcool est d’ordre neuro-psychologique et comportemental, il faut la distinguer de la toxicité de l’alcool sur les organes. En effet, il est tout à fait possible de présenter des complications physiques de l’alcool (cirrhose, etc.) et ne pas être dépendant. A l’inverse, une personne dépendante ne présente pas obligatoirement de complications physiques de la toxicité de l’alcool. Il ne faut pas confondre dépendance et consommation excessive. La moitié de la mortalité et de la morbidité liée à l’alcool n’est pas liée à une dépendance. Par exemple, les accidents de voiture sont la plupart du temps provoqués par des personnes qui ne sont pas dépendantes, mais celles qui ont des consommations ponctuelles importantes.
De nombreux indices témoignent d’une addiction à l’alcool, dont le fait d’être incapable de s’arrêter au nombre de verres que l’on avait prévu de boire, de se désintéresser des choses importantes de sa vie à cause de l’alcool, de devoir augmenter la dose d’alcool pour obtenir le bien-être initialement apporté par la consommation ou encore de ressentir un mal-être à cause du manque d’alcool. Il existe des signes d’alerte discrets comme par exemple attendre avec plus ou moins d’impatience l’heure du premier verre (pensées d’anticipation), se sentir irritable si on n’a pas consommé, etc.
Quelles sont les causes ?
La dépendance découle de la rencontre d’un individu avec un produit - l’alcool - à un moment donné de son existence
L’alcool n’est pas un produit qui expose fortement à une dépendance. C’est pourquoi de nombreuses personnes peuvent consommer un peu d’alcool sans abus et s’arrêter aisément. L’addiction est la conjonction d’une histoire personnelle, d’un vécu, d’un environnement, de facteurs génétiques, d’habitudes de consommation et d’une culture vis-à-vis de l’alcool. Une consommation régulière et excessive seule ne suffit pas à devenir dépendant même si elle est un facteur de risque d’évolution vers la dépendance.
Qui présente un risque ?
Qui est à risque de devenir dépendant à l’alcool ?
Pour les jeunes, le mieux est de s’abstenir jusqu’à la fin de la phase de maturation du cerveau (25 ans) du fait de la plasticité cérébrale et donc de la modification des circuits cérébraux sous l’effet de l’éthanol (le nom scientifique de l’alcool). Plus l’organisme est exposé tôt dans la vie, plus le risque de devenir addict à l’âge adulte est élevé.
Une exposition régulière et importante peut également mener à la dépendance car cela modifie l’équilibre des transmetteurs chimiques (comme la dopamine) au niveau du « système de récompense/renforcement » situé dans le cerveau. Les neurones dopaminergiques (sensibles à la dopamine) localisés dans une partie du cerveau appelée mésencéphale sont fondamentaux dans l’activation de notre système de récompense, qui gère naturellement nos désirs, nos plaisirs et nos émotions mais joue aussi un rôle central dans la mise en place des phénomènes de dépendance aux drogues et donc à l’alcool. Il n’y a pas d’égalité entre les individus vis-à-vis de la dépendance. Une propension à « tenir l’alcool » incite à boire plus. C’est un facteur de risque de dépendance, comme le fait de ne jamais être ivre.
Les examens
Cirrhose ou perte du permis de conduire...
Les remarques et les alertes de l’entourage familial, professionnel, les complications judiciaires avec la perte de points du permis de conduire ou l’apparition/découverte d’une maladie somatique liée à l’alcool… permettent d’identifier une consommation excessive ou une dépendance à l’alcool et donnent à la personne malade l’opportunité de modifier son comportement.
Le dépistage peut également être systématique, par le médecin du travail ou n’importe quel personnel soignant qui interroge la personne sur sa consommation d’alcool. Ils utilisent parfois la technique RPIB pour « Repérage précoce-intervention brève » ainsi que des outils d’évaluation du risque.
Un nouvel outil d’évaluation des risques liés à sa consommation d’alcool est disponible. Le questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) est un test simple en 10 questions développé par l’Organisation Mondiale de la Santé pour déterminer si une personne présente un risque d’addiction à l’alcool.
Les traitements
L’alcoolisation chronique, une prise en charge médico-psycho-sociale
La dépendance survient rarement avant l’âge de 25-30 ans. Il s’agit alors plutôt d’un mésusage, souvent lié à des facteurs psycho-sociaux et qui s’intègre généralement dans un malaise général, d’où la création de consultations dédiées aux « jeunes consommateurs » qui sont plus adaptées aux jeunes adultes.
Si la personne n’est pas à l’aise pour faire part de son problème avec l’alcool à son médecin traitant, les consultations d’addictologie sont accessibles dès l’âge de 25 ans.
En général, la plupart des patients qui consultent dans ces centres ont la quarantaine ou plus, plus rarement avant, principalement parce que la dépendance n’est pas parfaitement installée et les dommages (familiaux, professionnels, judiciaires ou physiques) sont encore limités. Les conséquences physiques (maladies cardio-vasculaires, maladie du foie…) ou leur visibilité, la prise de conscience de la dépendance, le cumul des problèmes divers engendrés par la consommation à risque arrivent passé 45 ans environ.
La prise en charge est pluridisciplinaire, car les conséquences de l’alcoolisation chronique sont multifactorielles (médico-psycho-sociales). Cela signifie que le patient va recevoir de l’aide pour les différentes difficultés liées à sa consommation d’alcool : médecin, psychologue, travailleur social… une aide non négligeable peut être apportée par les groupes de soutien « d’anciens buveurs » qui peuvent partager concrètement leur expérience.
La première consultation est habituellement réalisée par un addictologue, médecin ou psychologue afin de faire le point sur la consommation et ses complications. Au fur et à mesure des consultations, il saura distinguer une dépendance d’une consommation excessive et aider le patient à trouver des clés pour s’en sortir.
Si la consommation est excessive, quelques consultations sont habituellement suffisantes pour délivrer des conseils (réduire sa consommation journalière, ne pas consommer en semaine et limiter sa consommation le week-end, consommer des alcools moins forts, tenir un agenda de consommation…) ou des médicaments anti-craving (comme le nalméfène ou le baclofène…). La personne parvient ainsi à réduire la consommation en dessous d’un seuil acceptable et sans danger.
En cas de dépendance, le soutien de l’addictologue est renforcé, à l’aide d’un psychologue, d’un travailleur social, etc. Des sevrages courts sont proposés, à l’occasion de séjours hospitaliers brefs (5 à 10 jours) ou prolongés en Soins de Suite et de Réadaptation en Addictologie, pour les personnes seules ou sans travail, celles qui doivent s’isoler un certain temps de leur situation socio-professionnelles. La prise en charge sera toujours suivie d’une prise en charge prolongée ambulatoire (hôpital de jour, consultations). En revanche, pour les personnes bien insérées et qui ne peuvent interrompre leurs activités très longtemps, les médecins addictologues peuvent prescrire une aide médicamenteuse, toujours associée à une prise en charge psychologique ; le médicament seul n’étant pas en capacité de régler le problème d’une dépendance à l’alcool.
Le sevrage de l’alcool peut être obtenu sans médicament (en l’absence de dépendance physique) ou grâce aux benzodiazépines (psychotropes anxiolytiques) prescrites sur une courte durée lorsqu’il existe une dépendance avec beaucoup d’anxiété, d’irritabilité, et d’insomnie et en cas de dépendance physique…). Les médicaments d’aide au maintien de l’abstinence prennent ensuite le relais.
L’acamprosate (antagoniste du glutamate) est un médicament déjà ancien utilisé pour le traitement de la dépendance à l'alcool. La natrexone est un inhibiteur des opiacés. Ces deux molécules ont une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) dans « l’aide au maintien de l’abstinence ». Les deux n’ont pas ou peu d’intérêt chez une personne qui continue à consommer de l’alcool. Le disulfirame est aussi disponible mais peu utilisé : c’est un médicament avec un effet dit « antabuse » qui rend malade en cas de prise d’alcool. Il a surtout un effet dissuasif. D’autres médicaments permettent une réduction de la consommation. C’est le cas du nalméfène (antagoniste des récepteurs opioïdes) qui diminue le bien être et le mal-être liés à la consommation et au manque d’alcool. Le baclofène peut également être utilisé dans la réduction de la consommation et le maintien de l’abstinence sous certaines conditions en attendant son AMM. Il peut être délivré dans le cadre d’une recommandation temporaire d'utilisation (RTU). Leur AMM est attendue pour fin 2019.
Les résultats avec les médicaments anti-craving sont contrastés. Ils sont considérés comme une aide, mais qui peut s’avérer très importante chez certains patients.
Les thérapies cognitivo-comportementales et les entretiens motivationnels ont démontré une efficacité significative.
Liens utiles
Expert / Relecteur : Dr C. Barrault / Pr F. Zerbib
Rédaction : H. Joubert
Avril 2019